♬ "Je serai ton meilleur ami" ♬
Cette semaine, on parle d'Iran, de Ksenia Sobtchak et du camp de pionniers "Artek"
Bienvenue dans cette nouvelle Lettre de Russie !
Cette semaine le monde porte son regard sur d’autres contrées.
Avant de commencer, je voudrais vous conseiller un excellent documentaire diffusé dimanche dernier sur France 5. J’y ai modestement contribué, Alexandra Dalsbaek a tourné la partie russe, dont cette interview assez hallucinante…
Couvrir la Russie c’est constater que Vladimir Poutine semble toujours avoir la chance de son côté. Ses proches sont riches, la plupart d’entre-eux n’ont pas vu leur quotidien bouleversé après le début de la guerre, certains parviennent même encore à venir passer leurs vacances en Europe. Les opposants eux, tombent malades, meurent jeunes ou finissent oubliés en prison… C’est la triste réalité de ce pays.
Quant aux tracas du quotidien du président, il a certainement appris avec l’expérience à ne pas paniquer pour rien.
Alors quand Israël a attaqué l’Iran et que le conflit en Ukraine a instantanément disparu des radars occidentaux, le président russe a certainement esquissé un petit sourire.
Le moment est parfait.
Beaucoup de médias se sont demandés quelle serait sa réaction. L’Iran et la Russie sont liés depuis cinq mois par un accord de coopération qui n’implique pour autant pas de soutien militaire. Pas fou le Kremlin. Tellement “pas fou”, qu’il avait même pensé à délocaliser les usines de drones iraniens sur son territoire.
Résultat, le meilleur ami Poutine (titre qui concerne généralement ceux dont il est le dernier ami), se révèle être un ami peu fiable lorsque les choses tournent mal. Bachar al Assad en sait quelque chose, Kim Jong-un a appris à ne pas s’attacher et à préférer l’amitié de ses bombes nucléaires et le guide suprême iranien a dû avoir un petit coup de mou au moral quand la Russie lui a offert pour tout soutien jeudi, une proposition d’aide humanitaire. Et a priori pas celle du Donbass de 2014 à base de tanks et de munitions, mais bien des bouteilles d’eau et des sacs de grechka.

Moscou, comme d’autres capitales, a certainement vu venir l’attaque sur l’Iran et mise aujourd’hui tout sur le rôle qu’elle pourrait avoir lors d’éventuelles négociations. Mais Vladimir Poutine est arrivé avec ses gros sabots en parlant de respect de la Charte des Nations unies. Même Donald Trump a trouvé ça trop gros et l’a renvoyé à sa guerre en Ukraine. Le Kremlin tente encore de jouer ce rôle mais à bien étudier la question, il n’a pas grand chose à gagner à s’impliquer plus que ça dans ce conflit. Il a les moyens de produire ses drones, le coût du pétrole augmente à cause de la crise, ce qui est un élément clé de son économie de guerre et l’intérêt médiatique s’est totalement déplacé sur Israël, ce qui lui permet de balayer définitivement la séquence “négociations de paix”.
Au point de réclamer publiquement, une nouvelle fois, une capitulation des Ukrainiens, qui comptent de plus en plus de morts civils à chaque attaque russe. La stratégie de Vladimir Poutine ne change pas, il veut les avoir à l’usure.
Avant d’aller à Saint-Pétersbourg, un dernier petit mot sur Israël. Il est assez troublant de voir qu’une partie conséquente de la presse d’opposition russe et des opposants en exil, soutiennent Israël à en devenir des militants aveugles, comme ce conflit est capable d’en créer partout dans le monde. Au point d’encourager Israël à agir en Palestine comme la Russie le fait en Ukraine, avec la même violence, sans aucune humanité et en bafouant le droit international. Un double standard que l’on ne retrouve pas que chez les Russes…
Un petit tour dans la Venise du nord avec le traditionnel forum économique de Saint-Pétersbourg. Il y a quelques années, ce moment était le meilleur de l’année pour les correspondants. Tout Moscou se retrouvait en pleines nuits blanches dans cette ville bien plus détendue que la capitale et durant sa période la plus festive. Alors on se tapait le pénible forum le jour pour aller boire des verres la nuit.
Le forum était pénible parce qu’on y trouvait peu de monde pour nous adresser la parole (et les embouteillages étaient terribles). Alors je finissais souvent par aller discuter sexisme et pénibilité au travail avec les nombreuses hôtesses du salon. Les chefs d’entreprise étaient en grande majorité… des hommes. Les femmes étaient sexualisées à fond et subissaient des remarques lourdes du matin au soir… (et je ne parle pas des talons aiguilles qu’elles portent toute la journée).
Ksenia Sobtchak, que je ne sais plus comment présenter, ancienne “opposante”, probable filleule de Vladimir Poutine, a remarqué cette année qu’il n’y avait plus de “service d’escortes” proposé aux invités, “à cause de la crise économique?”.
Alors déjà, première nouvelle, visiblement la presse n’était pas concernée par ce service lors des précédentes éditions.
Sobtchak a fait cette remarque après que le média “Lenta” a comptabilisé plus de 400 prostituées mobilisées en ville pendant le forum.
Évidemment, la presse a interrogé un représentant d’un mouvement orthodoxe qui a réclamé l’interdiction de la prostitution (il me semble que c’est déjà le cas) pendant le forum, dénonçant une entrave “aux efforts de renforcement des valeurs traditionnelles”.
Soit dit en passant, je remarque que les journaux régionaux font état avec une certaine fierté du passage de Sobtchak sur le stand de leur région. Signe que cette femme est vraiment à part dans le système Poutine, tolérée, pas persécutée...
Plus concrètement, le forum n’est plus ce qu’il était. Les organisateurs se sont vantés de la présence d’une centaine de pays, généralement représentés par d’obscures experts qui ne représentent souvent qu’eux-mêmes. La crise est bien là, la guerre sauve tout le monde mais maintient l’économie dans une sorte de stabilité superficielle… Gare à la paix !
D’ailleurs il n’est tellement pas question de paix que l’on travaille les Russes sur plusieurs générations pour s’assurer qu’il y ait toujours une guerre sur le feu. Nous en parlons presque toutes les semaines mais c’est au coeur de la société de nos jours. A Ekaterinbourg, un festival de la réécriture de l’histoire (ce n’est bien sûr pas son vrai intitulé) a été organisé à destination des enfants. La “chercheuse” qui a visiblement mal cherché, Alena Chtcherbakova, a énoncé toute une série de contre-vérités à destination des enfants.
C’est vertigineux et ça prépare les générations futures à la haine de l’Occident et à l’acceptation du fascisme.
“Vrai ou faux : Joseph Staline n’était pas l’initiateur des répressions de 1937-1938 ? Vrai ! C’est le chef du NKVD qui en était responsable”.
Avant de justifier ces crimes, elle affirme que les victimes étaient soupçonnées d’espionnage ou d’activités contre-révolutionnaires : “Attention, il y avait la loi, il y avait une enquête pour déterminer si les gens étaient coupables ou non, ils passaient devant un tribunal et il y avait ensuite trois variantes : ou bien la personne était fusillée, ou bien elle était libérée, ou alors elle était envoyée en camp”.
La femme a ensuite expliqué qu’Hitler avait été volontairement porté au pouvoir par les États-Unis et le Royaume-Uni qui étaient à l’origine du début de la Seconde Guerre mondiale, niant ainsi le rôle des nazis.
Enfin, elle a expliqué que “l’URSS ne s’est pas effondrée (…), elle a été délibérément et illégalement détruite”. Une petite musique qui reprend de la vigueur depuis quelque temps en Russie.
En parlant de propagande et de patriotisme, le célèbre camp de pionniers “Artek”, en Crimée aujourd’hui occupée, fête ses 100 ans. Vladimir Poutine en a vanté les mérites en rappelant que des militaires venaient y faire des “master class”. Un expert cité par le média “Ura.ru” explique quelque chose d’assez intéressant :
“À Artek, un modèle efficace d'éducation patriotique a été créé. Les enfants voulaient y venir. Et pour y parvenir, ils devaient se distinguer, chez les pionniers ou à l’école. Arrivés au camp, ils comprenaient qu'ils étaient parmi les meilleurs. Artek est un symbole de concurrence, de développement des meilleures qualités. Et, bien sûr, d'éducation patriotique, qui n'est pas imposée aux enfants, mais est servie sous une forme attrayante : La propagande est efficace lorsqu’elle est invisible”.
A méditer comme on dit…
J’étais l’invité de Guillaume Erner sur France Culture jeudi matin. Nous avons fait un petit point sur la situation en Ukraine et en Russie !
A la semaine prochaine !
Merci.
Honnêtement, je ne sais pas comment tu fais pour garder les idées claires en vivant sur place. Suivre l'actualité (objective) est déjà fatigant en soi, alors suivre les mensonges éhontés des collabos (historiens, profs, "experts" ou autre)... ça me rendrait dingue !
Croient-ils réellement à ce qu'ils racontent ou ils savent qu'ils servent de la merde ?
Encore merci pour le taf.